Lors de ce salon littéraire Denise Missa était à l’honneur. Née en 1923 à Paris, Denise Missa dit être « rentrée en poésie » dès l’école primaire, son institutrice étant férue de François Coppée et d’Albert Samain. Au lycée, pendant la récréation, avec ses camarades de classes, elle donnait des récitals poétiques sur des textes d’Alfred de Musset, Paul Verlaine, Arthur Rimbaud… Plus tard, Denise Missa s’essaie à l’écriture, imitant Paul Eluard et René Char. Passionnée de cinéma, elle en admire la technique, « le lancement de flashes qui dénichaient la pensée de ses zones d’ombres ». Elle tente d’appliquer cette technique sur les mots, « de brusques éclairages, des résonances nouvelles, des associations insolites, de violents contrastes, une alliance du concret et de l’abstrait… » Cherchant ainsi « à éclairer sa méditation sur le Temps, sur la mémoire éclatée, sur la quête sans cesse décue et renouvelée d’un absolu inaccessible. » Fille du peintre de talent Edmond Missa et petite fille du compositeur de musique Edmond Missa, elle recherche dans son écriture à ce que « la Poésie devienne musique, devienne peinture. »
DISTINCTIONS ET RECOMPENSES
Lauréate en 1993 d’un concours international organisé par l’Académie européenne des Arts, représentée par l’écrivain Paul Guth, qui lui a remis la médaille d’Or.
Deuxième prix, sur 906 candidats, en 2002, d’un concours organisé par la Société des Poètes français et le Lions Club, dont le thème imposé était « le Temps ». A ce même concours, sur le thème libre, sélectionnée dans les 100 premiers lauréats et obtenu le prix du meilleur recueil.
En 2004, premier prix Henri Fayolle décerné aux jeux Floraux de Toulouse, pour son recueil « Le Pas Suspendu ».
En 2010, la ville de Bergerac lui remet le prix Audrey Bernard pour son recueil « Les Lisières Incertaines ».
Denise Missa figure dans l’Anthologie des poètes du Quercy de Gilles Lades
Elle occupe depuis 2011 le fauteuil 20 l’Académie des Arts, des Lettres et des Sciences de Languedoc.
Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
BIBLIOGRAPHIE
- Le sentiment historique de Mistral,dans Nerto
- L’amour courtois, l’amour adultère, in Bulletin de l’Association Guillaume Budé, n°2-3, Juin-octobre 1968. p. 347;
https://www.persee.fr/doc/bude_0004-5527_1968_num_1_2_3030_t2_0347_0000_2L’amour courtois, l’amour adultère,Coll. des « Amisde la langue d’oc », Paris, s F.
Dans cette mince et intéressante plaquette, l’auteur révèle quel’amour courtois au XIIe siècle occitan est un amour adultère — non pas par érotisme sensuelet malsain, mais par désir supérieur de surmonter les difficultés, d’atteindre alors la dame des pensées du troubadour, esclave prisonnière dans une société́ dure et méprisante pour la femme. PourLes troubadours, l’amour adultère serait une sorte d’ascèse.
- Le guetteur d’argile, Éditions ARCAM , 1983
- Le pas suspendu, Éditions . ARCAM 2002,
- Les lisières incertaines, Les Amis de la poésie, collection Le Poémier de plein vent, 2010
- Reflets d’ombre , Éditions Nouvelle Pléiade, 2017
Des poèmes issus de ces différents recueils ont été lus par les membres de l’académie présents à ce salon littéraire. Pour les écouter suivre le lien ci-dessous :
TRAIN DE VIE
Ma vie pousse ses wagonnets
Sur des rails désaffectés.
Mais loin des gares
Roulent des trains
Portes ouvertes sur le rêve.
Funambules au fil de la terre
Ils lacèrent les vents
Et griffent les espaces.
Le Temps soumis à leur cadence
Se balance aux caténaires.
Sillons de couleur picotés de lumières
Horizons percés de flèches d’or
Le rivage fuit
Le soleil bleuit
Une lune éclate
Une étoile zappe.
Des trains égrènent leurs chapelets
Sur la voie lactée
Et s’évadent dans la nuit pâle…
Le guichet s’est refermé.
La vie se range au bord des quais.
CONTRE TEMPS
Le temps met ses bandeaux
Et détrousse l’espace.
Plus d’abris pour nos peurs :
Ailes couveuses des toits
Remparts enlacés aux cités
Et l’étoile du phare
A l’écueil des naufrages.
Plus de pays à la mesure de nos pas
Et des traces muettes.
Les rides de l’oubli sur le sable…
La vie
La mort
En deçà au-delà
Que t’importe ô voleur.
Dans un flottement de poudres trompeuses
Tu jettes
Nos dépouilles sans étiquette
Et tes larcins impénitents.
Arrête-toi !
Les amants enchanteurs
T’ont laissé en suspens
Dans leur filet magique
Et piègent te fuite.
Subtiliser l’éternité
Dans un instant si bref
Qu’il est déjà passé.
AUTOMNE
Avec son odeur de vin bourru
L’automne glisse sur ses patins de brume
Et agite ses plumes dans l’arrière-saison.
Au bal de la bourrasque
Un falbala de feuilles de fruits
D’ors clinquants de rouge sang
Et la fleur safran.
La pierre démasquée s’empare des espaces.
L’exacte falaise marque son territoire.
Rivière au tranchant de ses berges
Chemins élagués au-delà des lisières
Vent nettoyeur.
Et les libations de l’automne
En marche vers les noces blanches
Où la vie et la mort échangent leur rituel.
OUTRE-MER
Une lame de fond
A emporté les films colorisés
Et les roses de sable du passé.
Le poète entre dans la vague
Nu.
Pontons balises à la renverse
Il fore sonde les surfaces sournoises
Plus bas au creux de la rumeur
Jusqu’à l’étroite lueur des fonds inexplorés.
Le voici dans un firmament d’étoiles de mer
Un frémissement d’algues flammées
Une danse ondoyante de palmes…
Respiration au cœur
Et la vie soulevée au souffle des abysses
Dans l’ivresse de la nuit chavirée.
Le poète sort de la vague
Vêtu d’outre-mer.
A son doigt
L’anneau de corail
Où se cache le talisman.
PEINTURE EN GRIS
Tant de blancs
Pour des cheveux gris
Blancs flétris
Au brouillard du Temps.
Tant de gris
Sur la palette d’une vie
Perlés pommelés
A la brosse au couteau
Gris d’ardoise
De fer de fumée
Gris d’argent
Cendre bleue
Éclairantes coulées
Aux lisères du noir.
Des nuances indécises
Chatoient
Dans l’espace ambigu
Où rien ne se situe…
Les capter
Dans l’ondoiement du gris
Et ouvrir l’infini.
LE PAS SUSPENDU
La toile arachnéenne des chemins
Sur la carte des départs…
Tant de tracés pour piéger un destin
Tant de lignes de vie
Dans la main de la plaine
Tant de semences
Dans les sillons de feu
Tant de soleils de fièvres
De moissons éblouies
Entre les cils de l’été
Tant de terres de mer
Pour un seul arc-en-ciel
Et mon pas suspendu
Au blason de la nuit
Aux nénuphars de lune
Sur l’alchimie des étangs
Suspendu
A des ténors imaginaires
A l’énigme des grottes
Où le bruit des cailloux
Appelle le silence
Suspendu
Aux rampes qui chancellent
Dans l’espace dénoué
Aux tremblantes lisières
Avant l’ultime saut
Dans la poudre du vent.
GRAND ÂGE
Grand Âge
Je t’attendais à l’ombre du hasard
Sur le banc de pierres blanches
Je t’attendais sous les glycines de l’été
Les couleurs turbulentes de l’automne
A la vitre festonnée de l’hiver.
Mais tu as bousculé les saisons
Inversé les chemins.
Grand Âge
Suspend un moment
Ton pas de fuite,
Entre dans le labyrinthe sournois
Des souvenirs,
Repeuple le ciel de mémoire
De mondes incandescents.
L’espace et le temps
S’enlacent dans la spirale de l’âge
Tu rejoins la vie sans limite
Que l’Univers habite.
PROFONDEUR
Le ciel déploie son voile noir
L’horizon baisse ses barrières
Il est temps de creuser dans la terre soumise
Un puits d’évasion
Où parle le silence.
Explorons la profondeur
Ouvrons la respiration des grottes
Que surgisse l’eau souterraine.
Il est temps de chercher sous la surface
La lumière tapie
Dans les replis de la nuit.
Belle sera la remontée
Si dans la quête fécondée
Le jour s’est étoilé.